avant nous

Olivier Sylvestre

avant lui t’étais pas très bottom
la plupart du temps ça te faisait mal
tu le faisais pour l’autre
tu t’y pliais
t’avais fini par te dire

« c’est pas pour moi
j’ai pas de fun
»

MAIS AVEC LUI

avec lui t’as arrêté de croire que
c’était l’autre qui devait t’ouvrir
t’as compris que
ça devait venir de toi
t’en as eu envie
furieusement
pis t’as compris
ce que tu voyais chez tes partenaires précédents
ceux que tu pénétrais
qui en redemandaient
t’as compris ce qu’ils ressentaient
ces gars-là
que t’avais laissés
qui t’avaient aimé
dont toi t’étais pas vraiment amoureux

c’est quétaine à dire

MAIS

c’est pas juste ton cul que tu lui as ouvert
à ce gars-là
c’est ton coeur
> > Fin de la première partie > > >

ses avant-bras
c’est ses avant-bras qui t’ont fait perdre
la raison
des avant-bras comme ceux-là
t’en avais toujours cherché
dans tes rêves dans la porno
partout où tu roulais en vélo
dans les files d’attente
ces avant-bras-là juste pour toi
c’était la promesse que tu t’étais faite
et tu t’arrêterais pas
avant de les avoir trouvés

une première date au parc
s’était transformée
en une bière de balcon
en une visite de ton salon
en ravage de ta chambre à coucher
avec ce gars-là c’était soudainement facile
pour la première fois ça coulait
tout coulait
et très vite
les soirées étaient devenues
des semaines
des mois
chez toi chez lui
ta brosse à dents que t’avais laissée dans sa salle de bain
son dildo qu’il avait oublié chez toi

« au cas où tu t’ennuies trop
quand je suis pas là
»
pis c’est vrai que tu t’ennuyais
quand il était pas là

avant lui tu te disais

« coudonc
passé trente ans
ça m’arrivera jamais
ça
tomber en amour
pas dans cette vie-ci
dans la prochaine peut-être
si mon karma est assez bon
ça arrivera bien à mon âme
à travers l’espace-temps
»

parmi tes amis y en avait
ça leur arrivait trois fois par jour
à l’épicerie
dans le métro
en regardant leur téléphone
paf
tombaient en amour
pas toi

MAIS AVEC LUI

ça t’a fait assez mal
que tu l’as su tout de suite
que c’était ça

il t’avait pourtant prévenu

« attention ti-gars je suis pas exclusif »

c’est comme ça qu’il te l’avait dit

« une seule personne peut pas satisfaire tous nos fantasmes
j’y crois pas
»

pis t’avais enfoui ça dans un recoin de ton cerveau
dont t’avais jeté la clé
tu te trouvais vieux jeu

MAIS C’ÉTAIT PLUS FORT QUE TOI

un héritage de tes parents
quarante ans de mariage
pas quarante ans d’harmonie non

MAIS ENSEMBLE OUI

pis même si tu t’étais un peu résigné
t’en rêvais secrètement
surtout les longues nuits d’hiver
d’un cocon à deux

et celui qu’à partir de ce moment-là
t’as osé appeler
ton homme
t’a dit

« ben voyons
sur quelle planète tu vis
le couple ouvert c’est la norme
»

après tu t’es dit

« ok correct
qu’il en ait d’autres
je m’en fous
qu’il réactive son profil
sur l’application
je suis pas quelqu’un de jaloux
»

même quand il s’est mis
à recevoir des messages
pendant que vous mangiez
pendant que vous baisiez

« pas grave
c’est moi qui suis spécial
»
tu te convainquais
« son coeur c’est moi qui l’ai »

MAIS

quand t’as su son prénom
quand t’as vu sa présence
persistante
dans la vie de ton homme
sur toutes les photos qu’il publiait
et que t’as vu son sourire
quand il lisait un des messages
qu’il recevait sans cesse
de l’autre
pendant que vous écoutiez un film
collés
que vous buviez une bière
en vous flattant le mollet
sur le balcon d’en arrière

là t’as su

tu t’es mis à capoter

plusieurs autres ok

MAIS UN SEUL AUTRE

un troisième
ça non

pour te raisonner tu t’es dit

« t’sais il est tellement beau
je pourrais partager un peu
avec le reste du monde
le bonheur que j’ai de l’avoir
»

fait que t’as accepté
de le rencontrer
celui qui est entré dans votre vie
tellement vite que t’as rien vu aller
un soir ton homme l’a invité
à venir prendre

« un verre
rien qu’un verre
»

tu l’as vu arriver
le troisième
c’est vrai qu’il était beau
crissement beau

MAIS T’AS SU TOUT DE SUITE

que ça se passerait pas
t’avais juste pas envie de te comparer
à lui
qui était beaucoup de choses que toi t’étais pas
et surtout
t’avais pas envie de le partager
celui que t’osais encore appeler
ton homme
quand t’es revenu des toilettes ils frenchaient
à pleine langue dans la cuisine
c’est là que t’as compris la nature exacte du plan
que personne avait cru bon t’expliquer
pensant sûrement que tu comprendrais
t’as fait semblant de trouver ça excitant
t’as même bandé oui
avec ton homme tu bandais à rien
vous avez commencé à baiser
une troisième queue après tout
qui n’aimerait pas ça

MAIS T’AS PAS PU T’EMPÊCHER

de voir
tout ce qui passait
dans leurs regards
et surtout
qu’on s’occupait de toi
par politesse

tu t’es rhabillé
les laissant finir seuls
seuls et amoureux

pour toi c’était clair
vous ne seriez pas un trouple
pas que t’avais quelque chose contre les trouples
dans tes fantasmes y en avait plein
avec ton homme non
ça faisait pas partie du contrat

MAIS QUEL CONTRAT

celui que t’étais le seul à avoir signé

à partir de là
t’es devenu un gars que tu reconnaissais plus
tu fouillais dans son cell dans ses applis
leurs échanges de pics de vidéos
tu t’es mis à le soupçonner
de
quand vous étiez pas ensemble
tu les imaginais
en train
de
baiser
s’aimer
sans toi
constamment
un soir vous étiez en train de manger
le cell de ton homme a vibré
tu le lui as arraché des mains
t’as jamais su si c’était l’autre qui le textait
t’as lancé le cell du balcon d’en avant
il a atterri en mille miettes
à deux mètres d’une passante
la crise
les larmes
le coup est parti tout seul
dans la face dans le ventre de ton homme
c’était plus fort que toi
tu le haïssais tu te haïssais
il a dû te retenir à deux mains
comme des perdus
vous vous êtes déshabillés

la tristesse infinie
de te rendre compte
que tu voulais plus baiser avec
à cause de ce que vous étiez devenus
tu voulais plus assister à ça
vous regarder fourrer
comme une caméra perchée
au-dessus de vous deux
en pleurant secrètement
parce que tu le savais t’es pas con
que c’est avec le troisième
qu’il avait le plus de fun
celui que t’étais plus sûr de pouvoir appeler
ton homme
tu t’es quand même forcé

« je vais lui donner ce qu’il veut »
tu t’es dit

MAIS TON cœur COMME TON CUL S’ÉTAIENT RENFERMÉS

sans crier gare
parce que c’est comme ça
ton corps peut pas mentir
le terrain n’était plus sûr
ça t’a fait mal
tu lui as dit

« arrête
arrête s’il te plaît
»

pis lui il restait là
à moitié rentré
il t’a dit

« détends-toi
ça va marcher
ça finit toujours par marcher
»

sauf que toi tu le savais
que ça marcherait pas
vous deux l’amour le cul
ça marcherait plus

MAIS T’AS FAIT DES GRANDS EFFORTS

tu lui as dit

« j’ai mal »

pis lui il t’a dit

« chut »

c’est ça qu’il t’a dit

« chut
t’es serré tu le sais
»

pis toi tu le savais ce qui te serrait
ta jalousie
vos promesses rompues
ses mensonges
le troisième qui avait pris ta place
la planète monogame sur laquelle tu vivais
ton souffle qui se comprimait
quand il faisait semblant d’aller prendre un café
en pleine après-midi
avec une de ses amies
ton sentiment d’avoir perdu ton temps
à aimer
d’avoir osé y croire
pour la première fois

c’est tout ça qui te serrait

au bout d’un moment
insupportablement long

MAIS PEUT-ÊTRE TRÈS COURT AU FOND

il s’est retiré

tu t’es reviré

« tu viens pas? »

qu’il t’a demandé

non
tu viendrais plus

c’est ça que tu me racontes
la première fois qu’on se voit
toi pis moi
c’est comme ça que je t’attrape
petit oiseau à l’aile cassée

« c’est lourd hein je sais
pour une première date
»

moi je te dis

« t’inquiète
je suis capable d’en prendre
»

ce soir-là on baise pas
pis peut-être parce qu’on baise pas
allez savoir
on se revoit
t’es encore très amoureux de lui
ton homme
malgré tout
ça prendra le temps que ça prendra
faudra recoudre ton coeur avec de l’or

MAIS ON VA Y ARRIVER

pis un bon soir
pendant qu’on est en train d’apprivoiser
le corps de l’autre
tu me dis ça
tu me dis

« je m’ouvre à toi
ç’a été long je m’excuse
»

pis moi je te réponds

« c’est pas vrai
tu t’es ouvert à moi
dès la première fois
»

CE RÉCIT T’INTERPELLE ?
TU AS BESOIN D’AIDE ?

avant lui t’étais pas très bottom
la plupart du temps ça te faisait mal
tu le faisais pour l’autre
tu t’y pliais
t’avais fini par te dire

« c’est pas pour moi
j’ai pas de fun
»

MAIS AVEC LUI

avec lui t’as arrêté de croire que
c’était l’autre qui devait t’ouvrir
t’as compris que
ça devait venir de toi
t’en as eu envie
furieusement
pis t’as compris
ce que tu voyais chez tes partenaires précédents
ceux que tu pénétrais
qui en redemandaient
t’as compris ce qu’ils ressentaient
ces gars-là
que t’avais laissés
qui t’avaient aimé
dont toi t’étais pas vraiment amoureux

c’est quétaine à dire

MAIS

c’est pas juste ton cul que tu lui as ouvert
à ce gars-là
c’est ton coeur
> > Fin de la première partie > > >

ses avant-bras
c’est ses avant-bras qui t’ont fait perdre
la raison
des avant-bras comme ceux-là
t’en avais toujours cherché
dans tes rêves dans la porno
partout où tu roulais en vélo
dans les files d’attente
ces avant-bras-là juste pour toi
c’était la promesse que tu t’étais faite
et tu t’arrêterais pas
avant de les avoir trouvés

une première date au parc
s’était transformée
en une bière de balcon
en une visite de ton salon
en ravage de ta chambre à coucher
avec ce gars-là c’était soudainement facile
pour la première fois ça coulait
tout coulait
et très vite
les soirées étaient devenues
des semaines
des mois
chez toi chez lui
ta brosse à dents que t’avais laissée dans sa salle de bain
son dildo qu’il avait oublié chez toi

« au cas où tu t’ennuies trop
quand je suis pas là
»
pis c’est vrai que tu t’ennuyais
quand il était pas là

avant lui tu te disais

« coudonc
passé trente ans
ça m’arrivera jamais
ça
tomber en amour
pas dans cette vie-ci
dans la prochaine peut-être
si mon karma est assez bon
ça arrivera bien à mon âme
à travers l’espace-temps
»

parmi tes amis y en avait
ça leur arrivait trois fois par jour
à l’épicerie
dans le métro
en regardant leur téléphone
paf
tombaient en amour
pas toi

MAIS AVEC LUI

ça t’a fait assez mal
que tu l’as su tout de suite
que c’était ça

il t’avait pourtant prévenu

« attention ti-gars je suis pas exclusif »

c’est comme ça qu’il te l’avait dit

« une seule personne peut pas satisfaire tous nos fantasmes
j’y crois pas
»

pis t’avais enfoui ça dans un recoin de ton cerveau
dont t’avais jeté la clé
tu te trouvais vieux jeu

MAIS C’ÉTAIT PLUS FORT QUE TOI

un héritage de tes parents
quarante ans de mariage
pas quarante ans d’harmonie non

MAIS ENSEMBLE OUI

pis même si tu t’étais un peu résigné
t’en rêvais secrètement
surtout les longues nuits d’hiver
d’un cocon à deux

et celui qu’à partir de ce moment-là
t’as osé appeler
ton homme
t’a dit

« ben voyons
sur quelle planète tu vis
le couple ouvert c’est la norme
»

après tu t’es dit

« ok correct
qu’il en ait d’autres
je m’en fous
qu’il réactive son profil
sur l’application
je suis pas quelqu’un de jaloux
»

même quand il s’est mis
à recevoir des messages
pendant que vous mangiez
pendant que vous baisiez

« pas grave
c’est moi qui suis spécial
»
tu te convainquais
« son coeur c’est moi qui l’ai »

MAIS

quand t’as su son prénom
quand t’as vu sa présence
persistante
dans la vie de ton homme
sur toutes les photos qu’il publiait
et que t’as vu son sourire
quand il lisait un des messages
qu’il recevait sans cesse
de l’autre
pendant que vous écoutiez un film
collés
que vous buviez une bière
en vous flattant le mollet
sur le balcon d’en arrière

là t’as su

tu t’es mis à capoter

plusieurs autres ok

MAIS UN SEUL AUTRE

un troisième
ça non

pour te raisonner tu t’es dit

« t’sais il est tellement beau
je pourrais partager un peu
avec le reste du monde
le bonheur que j’ai de l’avoir
»

fait que t’as accepté
de le rencontrer
celui qui est entré dans votre vie
tellement vite que t’as rien vu aller
un soir ton homme l’a invité
à venir prendre

« un verre
rien qu’un verre
»

tu l’as vu arriver
le troisième
c’est vrai qu’il était beau
crissement beau

MAIS T’AS SU TOUT DE SUITE

que ça se passerait pas
t’avais juste pas envie de te comparer
à lui
qui était beaucoup de choses que toi t’étais pas
et surtout
t’avais pas envie de le partager
celui que t’osais encore appeler
ton homme
quand t’es revenu des toilettes ils frenchaient
à pleine langue dans la cuisine
c’est là que t’as compris la nature exacte du plan
que personne avait cru bon t’expliquer
pensant sûrement que tu comprendrais
t’as fait semblant de trouver ça excitant
t’as même bandé oui
avec ton homme tu bandais à rien
vous avez commencé à baiser
une troisième queue après tout
qui n’aimerait pas ça

MAIS T’AS PAS PU T’EMPÊCHER

de voir
tout ce qui passait
dans leurs regards
et surtout
qu’on s’occupait de toi
par politesse

tu t’es rhabillé
les laissant finir seuls
seuls et amoureux

pour toi c’était clair
vous ne seriez pas un trouple
pas que t’avais quelque chose contre les trouples
dans tes fantasmes y en avait plein
avec ton homme non
ça faisait pas partie du contrat

MAIS QUEL CONTRAT

celui que t’étais le seul à avoir signé

à partir de là
t’es devenu un gars que tu reconnaissais plus
tu fouillais dans son cell dans ses applis
leurs échanges de pics de vidéos
tu t’es mis à le soupçonner
de
quand vous étiez pas ensemble
tu les imaginais
en train
de
baiser
s’aimer
sans toi
constamment
un soir vous étiez en train de manger
le cell de ton homme a vibré
tu le lui as arraché des mains
t’as jamais su si c’était l’autre qui le textait
t’as lancé le cell du balcon d’en avant
il a atterri en mille miettes
à deux mètres d’une passante
la crise
les larmes
le coup est parti tout seul
dans la face dans le ventre de ton homme
c’était plus fort que toi
tu le haïssais tu te haïssais
il a dû te retenir à deux mains
comme des perdus
vous vous êtes déshabillés

la tristesse infinie
de te rendre compte
que tu voulais plus baiser avec
à cause de ce que vous étiez devenus
tu voulais plus assister à ça
vous regarder fourrer
comme une caméra perchée
au-dessus de vous deux
en pleurant secrètement
parce que tu le savais t’es pas con
que c’est avec le troisième
qu’il avait le plus de fun
celui que t’étais plus sûr de pouvoir appeler
ton homme
tu t’es quand même forcé

« je vais lui donner ce qu’il veut »
tu t’es dit

MAIS TON cœur COMME TON CUL S’ÉTAIENT REFERMÉS

sans crier gare
parce que c’est comme ça
ton corps peut pas mentir
le terrain n’était plus sûr
ça t’a fait mal
tu lui as dit

« arrête
arrête s’il te plaît
»

pis lui il restait là
à moitié rentré
il t’a dit

« détends-toi
ça va marcher
ça finit toujours par marcher
»

sauf que toi tu le savais
que ça marcherait pas
vous deux l’amour le cul
ça marcherait plus

MAIS T’AS FAIT DES GRANDS EFFORTS

tu lui as dit

« j’ai mal »

pis lui il t’a dit

« chut »

c’est ça qu’il t’a dit

« chut
t’es serré tu le sais
»

pis toi tu le savais ce qui te serrait
ta jalousie
vos promesses rompues
ses mensonges
le troisième qui avait pris ta place
la planète monogame sur laquelle tu vivais
ton souffle qui se comprimait
quand il faisait semblant d’aller prendre un café
en pleine après-midi
avec une de ses amies
ton sentiment d’avoir perdu ton temps
à aimer
d’avoir osé y croire
pour la première fois

c’est tout ça qui te serrait

au bout d’un moment
insupportablement long

MAIS PEUT-ÊTRE TRÈS COURT AU FOND

il s’est retiré

tu t’es reviré

« tu viens pas? »

qu’il t’a demandé

non
tu viendrais plus

c’est ça que tu me racontes
la première fois qu’on se voit
toi pis moi
c’est comme ça que je t’attrape
petit oiseau à l’aile cassée

« c’est lourd hein je sais
pour une première date
»

moi je te dis

« t’inquiète
je suis capable d’en prendre
»

ce soir-là on baise pas
pis peut-être parce qu’on baise pas
allez savoir
on se revoit
t’es encore très amoureux de lui
ton homme
malgré tout
ça prendra le temps que ça prendra
faudra recoudre ton coeur avec de l’or

MAIS ON VA Y ARRIVER

pis un bon soir
pendant qu’on est en train d’apprivoiser
le corps de l’autre
tu me dis ça
tu me dis

« je m’ouvre à toi
ç’a été long je m’excuse
»

pis moi je te réponds

« c’est pas vrai
tu t’es ouvert à moi
dès la première fois
»

CE RÉCIT T’INTERPELLE ?
TU AS BESOIN D’AIDE ?